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Reconnaissance à... Mathieu Bénézet

publié par le 4 avril 2009

On sursaute d’abord – on n’est guère habitué à ce genre d’interventions sur nos ondes où le « radiophoniquement correct » domine et où, la plupart du temps, les indignations semblent jouées. Puis on sourit : on n’est pas loin de partager pleinement l’avis du producteur. Le procédé n’est pas mauvais en soi, certes, et l’accompagnement musical d’un texte n’est pas toujours désagréable quand il est justifié. Mais qu’il devienne, comme c’est trop souvent le cas, répétitif voire systématique (on pourrait citer bien des émissions qui en usent voire en abusent comme, souvenez-vous en, de cette manie, il y a quelques années, de doubler voire de tripler la lecture en superposant et en les décalant deux ou trois voix, ce qui avait rapidement pour effet de brouiller le texte et de le rendre inaudible, – un comble pour la radio, non ?!...) et, effectivement, cela devient regrettable, voire insupportable.

Il est des écrits qui se suffisent à eux-mêmes et qui n’ont besoin pour exister pleinement que de la lecture silencieuse ou de la voix nue qui les porte. Les textes que donne Mathieu Bénézet à entendre sont le plus souvent de ceux-là.

Autre surprise, à la fin de la même émission, nettement moins réjouissante : Mathieu Bénézet annonce, très laconique, qu’il ne reviendra pas sur les ondes en septembre prochain. Il faut bien que tout ait une fin et on espère le départ du producteur volontaire mais, malgré soi, le cœur se serre.

Comme à la fin d’une bonne aventure, on se souvient.

Mathieu Bénézet avait un goût sûr et affirmé : chez lui, les poètes étaient à l’honneur. Celan, Milosz, Tardieu, Pavese, Cendrars, Follain, Ponge, Jabès, Desnos, Laforgue, Fondane... – on voudrait tous les citer – furent tour à tour célébrés.

Mais le producteur ne dédaignait pas la prose. Ses choix, imperméables aux effets médiatiques, en témoignent, qui, échappant à l’actualité immédiate si ce n’est à celle des parutions, nous permettaient de retrouver les voix chères qui se sont tues de Dhôtel, Calet, Vialatte, Renard, Duras, Bachmann... la litanie n’est pas close. Et nous n’avons ici égrené que les noms les plus connus – mais leurs œuvres sont-elles si souvent lues et ce avec toute l’attention et l’engagement du lecteur qu’elles méritent ? Il ne faudrait pas oublier les voix plus singulières mais non moins capitales que Mathieu Bénézet nous aura fait découvrir (Gertrud Kolmar, Guy Viarre, Huguette Champroux et Martine Broda...).

L’émission, diffusée une fois par mois selon un calendrier un peu nomade, s’intitulait « Reconnaissances » au pluriel. Le mot et l’idée, dans leur simplicité et leur évidence, plaisent plus que tout mais semblent dire à eux seuls tout l’esprit d’un homme, qui, d’une voix retenue, un peu rêche voire revêche parfois – ou que l’on devinait lasse ?... – , aux antipodes du ton faussement enjoué, surexcité ou au contraire « charmeur » de certains (on ne citera pas de nom !), savait se montrer humble et généreux en ces temps de démagogie, d’ingratitude, d’indifférence ou pis, d’ignorance.

C’est pourquoi, il nous paraît urgent et nécessaire de saluer avec chaleur et pudeur – que ne l’avons-nous pas fait plus tôt !... – l’entreprise du producteur d’une telle émission.

À vous, monsieur Bénézet, mes plus vifs remerciements pour ces six années de ferveur discrète.


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