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« Livrer sur demande... », de Varian Fry

publié par F. L.-Z. le 4 juillet 2008

Né en 1915 à New-York dans une famille aisée, il voyagea en Europe après des diplômes de l’Université d’Harvard et avant de reprendre des études sur les relations internationales et d’occuper un poste dans plusieurs magazines. Au cours d’un séjour de trois mois à Berlin en 1935, il fut témoin de l’atmosphère de haine raciale et assista même à un pogrom. Ce fut l’objet d’un long article qu’il fit pour le
New-York Magazine dès le mois de juillet. De très nombreuses associations américaines liées aux syndicats ouvriers ou des amicales de familles juives émigrées depuis le début du XXe siècle, suivaient avec la plus grande attention la montée du nazisme, l’invasion de la Chine par les Japonais, la conférence de Munich... l’entrée des armées allemandes en France. Ces associations se sentaient solidaires des Européens.

L’article 19 de la convention de l’armistice de juin 1940 commandait : « Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du Reich ». Varian Fry et son entourage devinèrent aussitôt la menace qui pesait sur les réfugiés espagnols, les opposants allemands au nazisme, juifs ou non, les combattants des Brigades internationales où se retrouvaient de multiples nationalités... et leurs familles. Varian Fry vint à Marseille et de diverses façons fonda une association de secours. Avec les fonds d’entraide des États-Unis et les dévouements que suscita la volonté tenace de Fry, ce fut un enchevêtrement, une succession d’inventions pour obtenir des visas, des faux papiers, des certificats auprès de moult consulats, les passages accompagnés à la frontière par la montagne, les essais par des bateaux surchargés qui ne résistèrent pas. Émotion de lire l’angoisse des réfugiés qui assaillent le bureau, la peur de l’arrestation, du camp d’internement, des séparations. Drames du passé comme celui qu’évoque Jean-Marie Borzeix dans son livre récent Jeudi Saint (Éditions du Seuil) mais drames actuels des sans-papiers tous les jours à nos portes, drames des réfugiés vers tant de frontières des pays nantis qui se protègent.

Au fil des pages de ce journal si passionné et passionnant, on rencontre les artistes ou personnalités que l’association de secours de Varian Fry a sauvés. André Breton, Jean Malaquais, Dina Vierny, Max Ernst, Benjamin Péret, Victor Serge, Marc Chagall, Jacques Lipschitz, le frère de Modigliani, Claude Levi-Strauss, Anna Seghers, le frère de Thomas Mann et son fils Golo, Alma Werfel, veuve de Gustav Malher dont la valise contenait quelques compositions dont la Neuvième Symphonie... Des milliers de personnes, des scientifiques, des poètes, des hommes remplis d’idéal, des anonymes... purent fuir la France par les filières difficiles, dangereuses de l’Espagne, du Portugal et ensuite rejoindre Londres mais
le plus souvent New-York. Des milliers d’autres connurent les camps et la mort. S’il y eut des traîtres, des échecs, il y eut aussi beaucoup de complicités et de courage. Sans cesse traqué par la police de Vichy, Varian Fry a joué au maximum de sa citoyenneté américaine mais en octobre 1941, avec l’aval des États-Unis, la police française expulse Varian Fry.

Journaliste politique, par ses écrits il tenta jusqu’en 1947 d’éclairer l’opinion américaine sur la situation mondiale. Quelques mois avant sa mort, le 13 septembre 1967, Varian Fry fut décoré par la France le 12 avril, du titre de chevalier de la Légion d’Honneur au consulat de New-York. Un « Juste » était reconnu.


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